
Découvrez comment les experts-comptables améliorent leur rentabilité en passant du temps passé à la facturation à la valeur.
Pendant des décennies, les cabinets d’expertise comptable ont facturé comme on respirait : au temps passé.
Chaque dossier, chaque client, chaque mission reposait sur la même logique industrielle :
“Temps de travail x taux horaire = honoraire facturé.”
Ce modèle n’est pas absurde : il s’enracine dans l’histoire même du travail.
Dans la pensée économique classique — et particulièrement dans la théorie marxiste — la valeur d’un bien provient du temps de travail incorporé dans sa production.
Un bien ou un service serait donc “justement” payé s’il rémunère la quantité de travail humain dépensée.
Mais cette vision, héritée de la Révolution industrielle, devient obsolète dans un monde où la technologie remplace la main-d’œuvre, où la vitesse n’est plus un défaut, et où la valeur perçue par le client n’a plus rien à voir avec le temps qu’on y passe.
Facturer au temps, c’est punir la performance : plus le cabinet devient efficace, moins il facture.
Facturer à la valeur, c’est récompenser la pertinence : plus l’expert-comptable crée d’impact, plus il gagne.
Cet article propose d’explorer, étape par étape, comment un cabinet peut basculer vers ce modèle, à travers un cas concret et des chiffres réels.
Dans un cabinet comptable “traditionnel”, tout tourne autour du temps :
Tout le monde parle de temps, alors que personne n’en a.
Prenons un exemple concret :
un cabinet de 20 personnes réalise 2,4 millions d’euros de chiffre d’affaires.
Le taux horaire moyen interne est de 85 €, et chaque collaborateur facture environ 1 300 heures par an.
Tout semble fonctionner… sauf que :
Résultat :
le modèle horaire devient un carcan.
Le cabinet qui gagne en efficacité voit sa marge baisser, car il facture moins d’heures.
Celui qui investit dans la tech perd du chiffre court terme, même s’il gagne en productivité long terme.
C’est ce que j’appelle le paradoxe de la productivité comptable :
plus un cabinet devient performant, plus son modèle économique le punit.
La facturation au temps passé crée aussi une confusion de posture :
le client ne paie plus pour un résultat, mais pour une quantité.
Il voit son expert-comptable comme un producteur de bulletins et de bilans, pas comme un partenaire de décision.
Et soyons honnêtes : quand le client commence à dire “Vous me facturez 8 heures pour ça ?”, la valeur perçue est déjà perdue.
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Prendre rendez-vousPrenons le cas d’un cabinet d’expertise comptable de 12 collaborateurs,
spécialisé dans les TPE du secteur de la restauration et de l’hôtellerie.
Chiffre d’affaires : 1,1 million d’euros.
Taux de marge nette : 21 %.
Facturation 100 % au temps passé (ou forfait estimé sur base horaire).
Sur 400 clients, 280 sont en tenue comptable classique, 80 en social, 40 en juridique.
Mais une partie de ces clients génère des besoins transverses :
Ces missions, aujourd’hui offertes ou mal valorisées, représentent pourtant de la valeur économique réelle pour le client.
Le cabinet décide donc de lancer un programme “Conseil à la valeur” sur un échantillon de 50 clients restaurateurs.
Prenons un dossier type :
Restaurant “La Table d’Or”, 2,2 M€ de CA, 18 salariés.
Avant intervention, son taux de marge brute est de 64 %.
L’objectif du conseil : remonter à 68 %.
Pour y parvenir, le cabinet met en place :
Résultat trois mois plus tard : marge brute à 67,8 %.
Gain net annuel : +85 000 € de résultat.
Mission estimée à 18 heures à 120 € / h = 2 160 € HT.
Le client paie, mais considère qu’il a acheté un “rapport” et non une amélioration durable.
Le cabinet refacture selon l’impact :
“Notre intervention a généré 85 000 € de marge supplémentaire, nous proposons des honoraires à 8 500 € (10 % de la valeur créée).”
Le client accepte sans négociation, car le ratio est clair et transparent.
Temps réellement passé : 14 heures.
Taux horaire implicite : 607 € / heure.
Et surtout, satisfaction client maximale : il a payé une solution, pas un chronomètre.
Le passage ne se fait pas du jour au lendemain.
Il demande de la méthode, de la pédagogie et un vrai changement de culture.
Toutes les missions ne s’y prêtent pas.
Le secret, c’est de choisir les dossiers où la valeur perçue est évidente :
L’expertise comptable pure (tenue, déclaratif) peut rester forfaitaire — mais doit devenir le tremplin pour ces missions “haute valeur”.
Le but n’est pas de transformer la production, mais de monétiser l’intelligence qui l’accompagne.
Le passage à la valeur commence par une simple question :
“Combien vaut, pour vous, le résultat que je peux vous apporter ?”
Un gain de trésorerie, une économie fiscale, un taux de marge amélioré, un financement obtenu, une transmission réussie… tout cela a une valeur mesurable.
Exemple :
Une mission d’optimisation de rémunération économise 12 000 € de charges au client.
Honoraires à 2 400 € (20 % de l’économie).
Temps passé : 5 heures.
Taux horaire implicite : 480 €.
Dans ce modèle, le prix devient une fraction de la valeur, non une multiplication du temps.
Pour éviter la subjectivité, les cabinets doivent structurer leurs offres.
Chaque mission doit être packagée, avec trois niveaux :
Par exemple :
Chaque pack décrit les livrables, les indicateurs suivis, les engagements.
Cela rassure le client et simplifie la négociation.
La question n’est plus “combien d’heures allez-vous y passer ?” mais “quelle option correspond à ma situation ?”.
Le client n’est pas stupide, il comprend la logique.
Encore faut-il la lui expliquer :
“Nous ne facturons plus à l’heure, mais à la valeur que nous créons.
Vous payez pour un résultat, pas pour du temps.
Si nous réussissons, vous gagnez plus que ce que vous payez.”
Cette transparence change tout.
Elle rétablit la confiance, car les intérêts sont alignés.
Et elle positionne l’expert-comptable non plus comme un “centre de coût”, mais comme un centre de profit externalisé.
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Prendre rendez-vousLes effets sont immédiats.
Sur la première année du test, le cabinet de notre exemple réalise :
Le chiffre d’affaires global passe de 1,1 M€ à 1,35 M€,
la marge nette grimpe de 21 % à 29 %,
et la satisfaction client atteint 95 %.
Le cabinet a donc créé plus de valeur sans recruter, sans travailler plus, simplement en changeant de logique.
La facturation à la valeur transforme la nature même du lien.
Le client n’est plus un “dossier” à traiter, mais un projet à faire réussir.
L’expert-comptable devient un copilote, non un producteur.
Les discussions ne portent plus sur le prix des heures, mais sur les objectifs et les résultats.
Et surtout, la relation devient émotionnellement positive.
Le client perçoit la réussite comme un succès commun.
Le cabinet, lui, cesse de justifier sa facture : il l’incarne.
Les collaborateurs, souvent frustrés de “pointer leurs heures”, retrouvent du sens.
Ils savent pourquoi ils font les choses, voient l’impact de leur travail, et se sentent légitimes à parler aux clients.
Certains cabinets ont même supprimé le système de pointage horaire pour le remplacer par un suivi de contribution client.
Cela change la culture :
“On ne mesure plus ce que tu fais, on mesure ce que tu apportes.”
Et cela se ressent dans la fidélité des équipes : turnover réduit de 40 %, satisfaction interne +25 %.
Le passage à la valeur transforme aussi la stratégie de positionnement.
Un cabinet qui facture à la valeur se repositionne naturellement sur le conseil, la stratégie et la performance.
Il attire des clients plus matures, plus fidèles, plus rentables.
Et surtout, il devient plus prévisible dans ses revenus.
La prévisibilité, c’est le Graal du métier : savoir que la marge ne dépend plus de la météo du mois de mars, mais de la qualité du modèle.
Facturer à la valeur, c’est un peu comme passer du taxi au forfait à Uber : on arrête de regarder le compteur, on regarde la destination.
Cela demande du courage, parce que ça casse un réflexe vieux de cinquante ans.
Mais la profession comptable n’est pas condamnée à vendre du temps.
Elle a le savoir, la donnée, la confiance : trois ingrédients qui valent infiniment plus que quelques heures d’écran Cegid.
Ce que j’observe dans les cabinets qui ont osé cette mutation, c’est un phénomène inattendu : ils gagnent plus, certes, mais surtout ils reprennent du plaisir à exercer.
Et si c’était ça, finalement, la vraie valeur ?